LE COURRIER DES LECTEURS
Courrier de monsieur D. de Lyon
Je suis indigné par votre article intitulé "Karl Max, premier citoyen du monde". Ce monsieur était un apatride ayant vécu successivement en Allemagne, en France, en Belgique et en Angleterre mais on ne peut pas être citoyen si on n'a pas de patrie. Aujourd'hui encore, on ne parle que d'internationalisme pour sauver notre planète. C'est aussi dans cet esprit que de prétendus intellectuels veulent nous faire parler l'espéranto, ce charabia déculturé, au risque de détruire notre belle langue.
A entendre tous ces gens, ce serait le moyen d'en finir avec les guerres, les famines, les épidémies et autres fléaux qui s'abattent sur le monde. C'est certes une ambition louable mais ils font fausse route sur les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir. Ce n'est pas en supprimant les barrières que l'on arrête le danger. Nous avons la chance d'être protégés par des frontières naturelles. L' Atlantique à l'ouest, les Pyrénées au sud, Les Alpes et le Rhin à l'est. Combien de temps encore les laisserons nous ouvertes à tout vent ?
Il est inacceptable que les étrangers puissent pénétrer notre territoire et fouler notre sol sans passeport ni même carte d'identité. Les internationalistes répliquent qu'ainsi nous pouvons faire de même pour visiter les contrées voisines, mais qui veut quitter notre beau pays alors que nous sommes si bien chez nous ?
A l'approche de notre fête nationale, il est urgent de prendre conscience que le seul moyen de nous préserver de tous les maux qui nous guettent est de rendre nos frontières étanches et de contrôler strictement les entrées sur notre territoire.
Le courrier de M. D. dans notre édition d'hier a provoqué de nombreuses réactions chez nos lecteurs.
Lettre de Monsieur L. de Lille
Les craintes de M. D. concernant le français ne sont pas fondées. L'espéranto ne vise pas à remplacer les langues nationales mais à faciliter les échanges internationaux, ce qui pourrait éviter les guerres qui ont souvent pour origine l'incompréhension entre des hommes de culture différente. C'est un voeu pieux qui n'est pas prêt de se réaliser, aussi je suis d'accord avec M.D. pour qu'en attendant on se protège en renforçant nos frontières.
Lettre de Madame V. de Paris
Je réponds au courrier de monsieur D. qui voudrait nous abriter derrière un rideau de fer. Croit-il sérieusement qu'ainsi nous arrêterons les microbes ? Ceux-là n'ont pas besoin de passeport pour entrer chez nous ni de la carte d'identité qui leur a été fournie par Monsieur Pasteur. Plus sérieusement, le rideau dont il parle ne pourrait nous protéger que de l'invasion d'une armée étrangère, c'est déjà beaucoup mais ce serait gênant pour ceux qui, comme moi, voyagent beaucoup. Aujourd'hui je peux traverser le Rhin aussi facilement que la Seine et les Pyrénées que les Cévennes, mais qu'en sera-t-il demain s'il y a des postes frontières et des passeports obligatoires pour les franchir ?
Extraits du courrier des lecteurs de LA GAZETTE des 11 et 13 JUILLET 1914
Yann-Ber
Note de l'auteur : Avant 1914 les passeports n'existaient pas, mais le nationalisme si, sauf peut-être à la frontière franco-suisse !
Môrice Benin : Les pays n'existent pas