LA NATIONALE 13
La nationale 13 part de la capitale pour aller jusqu'à l'extrême nord du pays.
- As-tu déjà fait la nationale 13 de bout en bout ?
- Oui, mais c'était il y a longtemps. Aujourd'hui je préfère prendre les petites routes car il y a trop de circulation sur les nationales.
- Je ne sais pas comment tu fais pour trouver des petites routes. Même avec mon GPS je n'y arrive pas.
- Tu ferais mieux de revenir aux bonnes vieilles cartes au 250.000 ème . Elles ne sont pas très précises mais pour faire du vélo ça suffit. C'est vrai qu'il y a souvent plus de côtes sur les petites routes que sur les grandes, mais pour toi qui grimpe bien, ce ne doit pas être un problème.
- Des côtes ! Laisse moi rire. La N 13 est truffée de cols. Dès que tu en as passé un, tu attaques le suivant.
- C'est toi qui me fais rire ! A part dans le Pays d'Auge et la pointe du Cotentin, c'est plat tout le long.
- On ne doit pas parler de la même route. Des nationales 13, il y a en dans tous les pays, ou presque, et pas seulement en France. Il faut arrêter de voir le monde au travers du seul Arc de Triomphe.
- Elle est où, alors, ta nationale 13 ?
- Au Laos. Comme tu es allé dans ce pays l'année dernière, je pensais que tu aurais compris à quelle route je faisais allusion car elle est connue dans les milieux cyclistes.
- C'est vrai que j'ai été dans ce coin là mais c'était il y a 3 ans et non au Laos mais en Thailande. Je refuse d'aller dans les anciennes colonies françaises, que ce soit en Indochine ou en Afrique. Quand je pense qu'on leur a construit des routes et des écoles et qu'ensuite ils ont pris les armes contre nous, ça me révolte.
- Parce que tu crois qu'on a fait ces équipements pour les peuples colonisés ? Les routes servaient avant tout à accéder aux matières premières qu'on leur payait un prix dérisoire et les écoles à former des élites locales pour les besoins de l'administration coloniale.
- En attendant, maintenant que nous sommes partis, ce sont les Chinois qui ont pris notre place.
- Oui, c'est particulièrement vrai au Laos. On y voit encore quelques inscriptions en français mais le chinois envahit de plus en plus l'espace public. Les Laotiens ont gagné leur indépendance politique mais sont tombés dans la dépendance économique de leur "grand frère". On appelle cela du néocolonialisme. De ce point de vue, les Français ne sont pas en reste, en Afrique de l'ouest notamment.
- Et alors ! Il faut préserver notre influence partout où nous le pouvons sinon ce sont nos concurrents qui en profiteront.
- Pour vendre leurs armes à la place des nôtres.
- Par exemple. La France n'a plus les moyens de fabriquer des armes pour sa seule armée. Les équipements militaires sont devenus si chers qu'il faut bien les amortir en en vendant une partie.
- Et disséminer notre technologie guerrière partout dans le monde !
- Sauf lorsqu'il s'agit d'équipements nucléaires et pour les armes classiques nous les vendons seulement à des pays sûrs.
- Qui les revendent ensuite, ou les utilisent contre leur propre population.
- On ne peut pas discuter avec toi. Tu n'es qu'un doux rêveur. Il faut voir le monde tel qu'il est et non pas tel qu'il devrait être.
- Si tu veux rêver devant la dernière merveille technologique française tu peux aller voir le sous-marin nucléaire "Suffren" avec son nez de clown peint en bleu-blanc-rouge. C'est un rêve un peu cher tout de même. Huit milliards.
- Huit milliards c'est le prix de l'ensemble du programme Barrakuda mais chacun des 6 sous-marins ne coûtera qu'un milliard.
- S'il n'y a pas de dépassement de prix. L'epr de Flamanville devait coûter 3 milliards et la facture finale sera de 11 milliards au moins. Quand tu auras vu le Suffren à Cherbourg, tu pourras pousser jusqu'à Flamanville pour voir cet autre fleuron de technologie française. Pour y arriver ce n'est pas compliqué. Tu prends la nationale 13 jusqu'à Cherbourg puis la départementale 650 sur 25 km et s'il y a trop de voitures à ton goût , je te conseille la carte Michelin au 250.000 ème pour dénicher de petites routes.
Yann-Ber
Note de l'auteur : En Afrique comme en Asie, le néocolonialisme est florissant